Rechercher dans ce blog
vendredi 23 novembre 2012
jeudi 22 novembre 2012
THE EXPENDABLES
Depuis plus d’un an, la rumeur enflait sur le web : Sylvester Stallone préparait un film au casting démentiel pour rendre hommage aux actioners bourrins des années 80. Un film de commando porté par les plus illustres représentant des films de frappe… Mais pas grand monde s’est demandé vers quoi Stallone allait se tourner pour nourrir son film. Parce que la décennie reaganienne a accouché parfois du meilleur,Rambo, Predator, Die Hard, mais souvent du pire, Commando,Cobra et tant d’autres bouses torchées par les faiseurs de la Cannon. Et je dis ça sans prendre en compte le contenu idéologique totalement décomplexé (douteux) de ces films célébrant le héros «reaganien», bodybuildé, réglant chaque conflit par une utilisation brutale de la force.
Alors de deux choses l’une, soit Stallone décidait de nous en offrir une bonne vieille tranche à l’ancienne, en réinvestissant les codes un peu surannés de l’époque, soit il décidait de faire un film qui mettrait en perspective ces mêmes codes à l’apogée de sa maturité, en reproduisant sur le film d’action ce qu’il avait accompli avec la conclusion de ses deux sagas fétiches.
Les deux points de vue étaient séduisants, mais une fois de plus la déception est à la hauteur des attentes. The Expendables est loin d’être une bonne vieille tranche de bonne brutalité à l’ancienne, et c’est encore plus triste à dire, Stallone n’a strictement rien à raconter sur le genre qui l’avait amené au top, il y a plus de 20 ans.
Soyons sérieux, personne n’attendait un film qui se mesure aux chefs d’œuvre de l’époque, Stallone n’est pas Mc Tiernan et même si John Rambo a fait son petit effet par sa mise en scène classe et compréhensible, c’est surtout parce que les standards actuels sont passablement brouillons et illisibles. Tout le monde espérait plutôt un «bon trip régressif» dans la veine des films bien fachos dont les posters ont fait rayonner les murs de nos chambres enfantines, affichant par une démonstration de testostérone que nous nous préparions a affronter notre puberté, une abstraction étrange que nous projetions inconsciemment sur ces communistes qu’il fallait arroser d’une puissance de feu virile et sans pitié. C’était les années 80, c’était complètement con, mais nous étions si jeunes. 1989, le mur s’effondra et les stars du cinéma d’action s’étiolèrent peu à peu. L’ennemi éternel, jadis si identifiable, laissa vite place à un conglomérat fumeux de menaces diverses. Ce fut la mode au début des années 90 des ex-rouges reconverti dans la mafia (Double Détente) et des cartels de la drogue (Danger Immédiat). On alla même jusqu’à refiler le flambeau à de vieux terroristes qui sans doute n’en demandaient pas tant (l’IRA dansJeux de Guerre), tout ça, bien sûr, sans retrouver le succès d’avant. Suite à cette période de restructuration, la menace bénéficia du développement des effets spéciaux numériques : météorites, noyau de la terre en fusion, extra terrestres ou Godzilla, le souffle d’une vengeance quasi divine s’abattit alors sur les Etats-Unis, avant qu’une flopée de nouveaux héros ne vienne sauver tout le monde. Ils avaient délaissé l’air buriné et la tenue de commando pour le costume en latex et le masque, sauvant le monde sans recourir à la brutalité beauf des Rambo, Matrix et autre Braddock. Le chant du M-16 ne subsiste plus que dans une poignée de DVD tournés à la va vite en Bulgarie et portés par des stars vieillissantes qu’une poignée de nostalgiques continue à soutenir.
La première déconvenue c’est que la mise en scène du film n’a rien à voir avec ses aînés. Stallone aurait pu chier son film mais avoir le goût de nous pondre une daube toute kitch et démodée, ce qui aurait au moins respecté le cahier des charges. Malheureusement, aussi ratée soit elle, cette réalisation rassemble tout ce qui se fait de pire en ce moment. On aurait pardonné la nullité si elle avait été gentiment vintage mais comment voulez vous tolérer pour un projet pareil l’affligeante nullité de notre époque ?
Au-delà des inutiles scènes de papotages, filmées sans aucune inspiration, toutes les scènes de bagarre sont présentées dans un montage épileptique. On est même en droit de se demander si Stallone n’est pas passé par Nantes vu ce recours obsessionnel au gros plan parce que dans l’euphorie la moitié de ce qui devait être shooté semble avoir été tout bonnement oublié. Un petit peu comme s’il manquait des plans pour donner aux bastons l’amplitude nécessaire.
L’aspect brouillon de l’ensemble trahi visiblement un gros problème de production, et je m’en fous que ce soit un manque de moyen ou de préparation parce que le résultat est proprement consternant. The Expendables est un film bâclé, tourné à l’arrache par un réalisateur manifestement plus intéressé à discuter anabolisant avec ses copains qu’à bosser avec son directeur de la photo ou son cadreur…
Truffé d’une foultitude de plans truqués affreux, The Expendablesressemble souvent à un workprint ripé sur la mule. Et pour un film se voulant un hommage sincère à la brutalité frontale du cinéma reaganien, comment accepter de voir le résultat massacré (oui dans le film, le seul vrai massacre, c’est le résultat) par autant d’incrustations numériques désuètes et hasardeuses… J’ai même été envahi par la profonde nostalgie des maquettes en cartons et des miradors en allumettes lorsque j’ai vu l’effondrement du palais, mais peut être les plus indulgents d’entre nous y verront ici un clin d'œil émouvant aux images de synthèses des années 80, qui sait ?
Là où John Rambo séduisait par sa lisibilité rigoureuse, The Expendables ne fait aucun effort. La gestion de l’espace est si ridicule que d’essayer de suivre ce qui se passe à l’écran devient une expérience absurde et irrationnelle. Alors que Michael Bay approfondit depuis quelques années le travail de Kandinsky pour orienter ses scènes vers l’abstraction pure et ainsi poser un regard artistique novateur sur l’idée même d’action et de sa représentation moderne, Stallone n’arrive pas à enchainer trois pauvres plans. Un exemple frappant, la poursuite en voiture (oui ici il n’y a que les exemples qui soient frappant), à quel niveau de nullité faut il tomber pour torcher ainsi une course poursuite toute simple sans que le spectateur ne comprenne rien de ce qui se passe ?! Comment captiver un spectateur qui ne sait pas combien de voitures sont engagées et qui ne pige rien à la résolution de la scène ?
«L’incompétence est un océan sans limite sur lequel dérive le navire de ton ambition» avait coutume de me dire mon assistante sociale, et c’est surement sur cette mer de merde que navigue notre sylvestre Titanic. Bordel, il faut vraiment en avoir rien à foutre de rien pour torcher un climax final aussi nul en pensant qu’une succession d’explosions numériques douteuses fera l’affaire. Quel manque de respect pour les inconscients qui se sont assis une heure et demie devant un écran pour se faire assommer par tant de nullité (oui au final il n’y a que la nullité qui assomme quoique ce soit dans ce machin). On ne peut pas en dire autant de la scène d’infiltration qui précède, pour cette dernière ils ont carrément eu recours, sans vergogne, à l’art subtil et délicat de l’ellipse. Une scène probablement victime d’un montage raté mais étudié comme un futur argument de vente pour un déjà annoncé director’s cut…
La démarche a beau être détestable, elle est loin de faire tâche sur cet étron roublard flottant dans la cuvette de nos espoirs.
-Sans ce truc en kevlar tes organes seraient déjà en purée
-Cause toujours tu m’intéresses
-T’as de la chance mon vieux
-Nan crois moi c’est toi
-Non c’est toi mon vieux
Malgré les apparences, ce dialogue n’est pas issu de La Classe Américaine mais de The Expendables. Je ne plaisante pas, a contrario visiblement du scénariste Dave Callaham, déjà responsable de l’écriture de trois pauvres navets dont le très littéraire Doom.
Aussi comment oublier cette scène où Stallone, étranglé, tout rouge et tout gonflé, est interrogé par le gros méchant qui fait peur ? Car à la question «t’as combien d’hommes avec toi ?» la réponse truculente fera sans nul doute un carton dans les cours d’école et chez les débiles légers : «juste ta mère».
Vous vous rendez compte que la réplique ultime de ce film badass radical partage le même humour qu’Arthur ? Que ses punchlines semblent avoir été écrite par le type qui écrit ses sketchs ?! C’est déjà assez spécial comme sentiment, mais lorsque le gros rasé éructe un sévère «qui t’a envoyé ?» et qu’on lui répond «ton coiffeur !», le spectateur déjà consterné se sent d’un coup propulsé loin, très loin, dans un pays où ne règne que la honte et la contrition. Voyez vous, ce spectateur s’attendait à un trip nostalgique sur son adolescence, vous savez cette époque bénie où, bouffé par l’acné, il rêvait de faire du kung fu et d’avoir un gros uzi… mais nom de Zeus Stallone l’a renvoyé un peu trop loin dans sa régression, directe en CE1 ! Soyons honnête, se pencher sur les dialogues de The Expendables, c’est surtout un prétexte à des moqueries et des quolibets qu’on pensait réservés aux films d’Elie Semoun.
Si l’intrigue est plus famélique qu’un bourguignon végétarien, c’est surtout à cause de la déconnexion totale d’une histoire principale, tenant en trois séquences pouilleuses, de toutes les autres scènes, pensées comme de simples annexes. La trahison de Dolph Lundgren ou les embrouilles conjugales de Jason Statham ne servent qu’à faire patienter le spectateur vers le prochain « morceau de bravoure » et ressemblent à des scènes coupées d’un montage trop généreux. De même la plainte de Rourke et le cabotinage de Roberts semblent totalement hors sujet, même si tout ça est censé servir pour l’un de catalyseur à la revanche et l’autre à la caractérisation de l’ennemi. Ainsi la construction du film ne repose que sur une succession de sketchs sans véritable lien entre eux, une compilation où chaque morceau donne envie d’avancer à la plage suivante.
Si les scènes d’action sont sacrifiées par la mise en scène, pire encore, le scénario s’occupe lui de régler son compte aux personnages. Pire parce que c’est sur cette promesse, cette affiche, que le film a été vendu. Un casting de rêve, une accumulation de noms pour faire fantasmer le fan crédule. Une fois de plus, cruelle est la déception et pendant la projection on ne peut que flairer l’haleine fétide de l’entourloupe faisandé.
Egocentrique, Stallone a écrit le film pour lui, alors qu’il n’a même pas la décence d’avoir quelque chose à raconter sur son personnage, mis à part une bluette glauque entre une jeune fille et un baroudeur de 60 balais bien sonnés qui a passé sa vie à massacrer celle des autres. Rocky revenait sur le lieu de sa jeunesse et Rambo acceptait que le monde autour de lui n’était pas une excuse à sa soif de violence, tout ça avait un sens. Ici, il faut comprendre que ce soit disant « esprit vintage assumé » est surtout une excuse minable pour n’avoir rien à proposer, bien qu’il rate sans surprise tout ce qu’il tente.
L’idée même du film de commando c’est l’idée d’un film choral, ou l’on suit des personnages interagir entre eux pour que l’on éprouve de l’empathie lorsque survient le moment de leur sacrifice. Ici, au-delà de leur sous exploitation, ils n’existent qu’au travers de leur relation à Stallone.
Il est paternaliste avec Statham, qui endosse le rôle du fils prodigue, Stallone consentira même à ce qu’ils tuent le méchant ensemble et lui offrira deux scènes tout seul.
Jet Li, c’est le side-kick rigolo. Généralement on a plutôt un Noir qui fait des blagues mais vu qu’Eddie Murphy devait demander trop cher, on se rabat sur un chinois. On l’appelle Yin-yang (j’ose même pas imaginer si ça avait été un Noir, on aurait eu droit à quoi ? Bamboula ? Blanche Neige ?) et on rigole durant tout le film sur sa petite taille (imaginez les bonnes blagues avec un Noir…).
Lundgren, c’est le frère ennemi qui sera puni parce qu’il défie la puissance du héros. Il lui sera ensuite pardonné après avoir courbé l’échine. Il n’a qu’une scène de bagarre, mais il repasse claquer la bise à la fin, une preuve de la générosité du film doit bêler la garde rapprochée de Sly.
Mickey Rourke revient encore une fois nous sortir son numéro de pénitent et sa gueule de freaks. C’est lui qui réveillera la conscience de Stallone grâce à une anecdote d’une indigence carabinée où il est question de méchants serbes et d’âme perdue présentée comme le grand moment déchirant du film. Assurément le pire moment de nanardisme de ces dernières années. Faut vraiment douter de rien pour pondre un truc pareil et les fans qui sont prêt à gober n’importe quelle mièvrerie dès qu’elle est anônée par un type ravagé bégayant pathétiquement sa rédemption dans des navets de ce genre auront du mal à s’en remettre lorsque leur gaule sera redescendue et qu’ils reverront le film. Applaudir la prestation de Rourke est probablement le spectacle le plus sordide que j’ai du subit depuis l’agonie de la pauvre Omayra.
Passons sur le caméo de Willis et Schwarzy, la scène est tellement bien rythmée et mise en scène qu’on dirait qu’ils n’ont jamais été présents en même temps sur le plateau. C’était sympa, mais juste dans la bande annonce…
Pour finir le tour du casting n’oublions pas Eric Roberts. Il connaît son job et ça, on ne peut pas lui reprocher, vu qu’il joue indéfiniment le même rôle de film en film, roulage des yeux et rictus compris…
Pour le reste du casting de ouf, je ne sais pas vous, mais n’étant pas un spécialiste des bouses virilistes destinées au solderies et ne regardant pas les matchs de sports où ça se tripote à coup de patates dans la gueule, je n’étais pas très au fait des carrières de Terry Crews (Fausse Blonde Infiltrées), Steve Austin (Mi temps au mitard), Randy Couture (Le Roi Scorpion 2) et Gary Daniels (Bloodfist 4). Un casting légendaire donc. Pour nous faire croire qu’ils existent et qu’ils méritent plus qu’un cachet de figurant chacun a sa blague de beauf, le Noir a un gros canon et des grosses balles, le catcheur à une oreille en chou fleur, le méchant est chauve…
On est décidément bien loin de ces films où le succès tenait, en partie, à la caractérisation précise des membres du commando. Ces moments qui font que des films comme Predator ou Extreme Prejudicefonctionnent. The Expendables a beau tenter de nous refaire le coup du «tu te souviens de… (mettre ici le nom d’un pays exotique quelconque comme l’Iran, le Venezuela ou le Nigeria)», «ah oué, c’était un merdier sans nom, on pensait qu’on s’en sortirait jamais», la sauce ne prend pas. Ils nous auraient monté une bonne mayonnaise qu’on aurait eu la frite, mais face au film de Stallone, il n’y a que le vinaigre de mon amertume qui peut me faire avaler toutes ces salades.
Les trips régressifs n’appartiennent donc pas qu’aux crétins qui savent pas boire s’éclatant le samedi soir avec leurs collègues de boulot devant des karaokés de la banlieue ouest en vomissant des génériques de dessins animés. Le trip régressif frappe visiblement tout autant les geeks autoproclamés qui se reluquaient les poils qui leur poussaient à la quéquette lorsque sortaient ces films que célèbre aujourd’hui la nostalgie…
The Expendables surfe sur cette régression d’une manière totalement artificielle et par son évidente modernité technique (shaky cam, montage cut et CGI foireux) on peut se demander s’il y a vraiment une différence entre ça et le spectacle essoufflé de licences 80’s aujourd’hui exploitées jusqu’à l’os. On peut refuser l’évidence mais The Expendables respire la vraie bonne nullité des années 2000.
Le cinéma d’action américain bien facho méritait peut être un hommage, mais le résultat est loin d’être à la hauteur. On aurait aimé voir les hommes de Barney Ross aller délivrer des mercenaires américains captifs en Irak, aller dessouder du terroriste iranien, traquer Ben Laden au Pakistan ou même défendre leur pays contre une invasion de la Corée du Nord.
Non, ils vont affronter un général en carton ondulé sur une île en image de synthèse. Il a beau être complètement stéroïdé, c’est pas le courage qui l’étouffe Sly. Ce politiquement correct pousse même Ross à condamner l’attitude de Gunnar qui veut pendre un pirate, alors qu’ils viennent tous de buter une vingtaine de Somaliens en se foutant de leur gueule…
Les trentenaires d’aujourd’hui avaient 10 ans lorsque Commando est sorti. J’ai de la peine à imaginer le tableau lorsque les tétards qui ont aujourd’hui 10 ans fantasmeront les films de leur enfance pour les faire revivre. Quand j’aurai 60 ans, Crank 2 ou Taxi 4 seront considérés comme des chefs d’œuvre, célébrés par des critiques fustigeant l’élitisme de notre époque. C’était déjà nul hier et demain ça sera encore pire, ce blog est le témoignage de ma lassitude.
Alors de deux choses l’une, soit Stallone décidait de nous en offrir une bonne vieille tranche à l’ancienne, en réinvestissant les codes un peu surannés de l’époque, soit il décidait de faire un film qui mettrait en perspective ces mêmes codes à l’apogée de sa maturité, en reproduisant sur le film d’action ce qu’il avait accompli avec la conclusion de ses deux sagas fétiches.
Les deux points de vue étaient séduisants, mais une fois de plus la déception est à la hauteur des attentes. The Expendables est loin d’être une bonne vieille tranche de bonne brutalité à l’ancienne, et c’est encore plus triste à dire, Stallone n’a strictement rien à raconter sur le genre qui l’avait amené au top, il y a plus de 20 ans.
Soyons sérieux, personne n’attendait un film qui se mesure aux chefs d’œuvre de l’époque, Stallone n’est pas Mc Tiernan et même si John Rambo a fait son petit effet par sa mise en scène classe et compréhensible, c’est surtout parce que les standards actuels sont passablement brouillons et illisibles. Tout le monde espérait plutôt un «bon trip régressif» dans la veine des films bien fachos dont les posters ont fait rayonner les murs de nos chambres enfantines, affichant par une démonstration de testostérone que nous nous préparions a affronter notre puberté, une abstraction étrange que nous projetions inconsciemment sur ces communistes qu’il fallait arroser d’une puissance de feu virile et sans pitié. C’était les années 80, c’était complètement con, mais nous étions si jeunes. 1989, le mur s’effondra et les stars du cinéma d’action s’étiolèrent peu à peu. L’ennemi éternel, jadis si identifiable, laissa vite place à un conglomérat fumeux de menaces diverses. Ce fut la mode au début des années 90 des ex-rouges reconverti dans la mafia (Double Détente) et des cartels de la drogue (Danger Immédiat). On alla même jusqu’à refiler le flambeau à de vieux terroristes qui sans doute n’en demandaient pas tant (l’IRA dansJeux de Guerre), tout ça, bien sûr, sans retrouver le succès d’avant. Suite à cette période de restructuration, la menace bénéficia du développement des effets spéciaux numériques : météorites, noyau de la terre en fusion, extra terrestres ou Godzilla, le souffle d’une vengeance quasi divine s’abattit alors sur les Etats-Unis, avant qu’une flopée de nouveaux héros ne vienne sauver tout le monde. Ils avaient délaissé l’air buriné et la tenue de commando pour le costume en latex et le masque, sauvant le monde sans recourir à la brutalité beauf des Rambo, Matrix et autre Braddock. Le chant du M-16 ne subsiste plus que dans une poignée de DVD tournés à la va vite en Bulgarie et portés par des stars vieillissantes qu’une poignée de nostalgiques continue à soutenir.
La première déconvenue c’est que la mise en scène du film n’a rien à voir avec ses aînés. Stallone aurait pu chier son film mais avoir le goût de nous pondre une daube toute kitch et démodée, ce qui aurait au moins respecté le cahier des charges. Malheureusement, aussi ratée soit elle, cette réalisation rassemble tout ce qui se fait de pire en ce moment. On aurait pardonné la nullité si elle avait été gentiment vintage mais comment voulez vous tolérer pour un projet pareil l’affligeante nullité de notre époque ?
Au-delà des inutiles scènes de papotages, filmées sans aucune inspiration, toutes les scènes de bagarre sont présentées dans un montage épileptique. On est même en droit de se demander si Stallone n’est pas passé par Nantes vu ce recours obsessionnel au gros plan parce que dans l’euphorie la moitié de ce qui devait être shooté semble avoir été tout bonnement oublié. Un petit peu comme s’il manquait des plans pour donner aux bastons l’amplitude nécessaire.
L’aspect brouillon de l’ensemble trahi visiblement un gros problème de production, et je m’en fous que ce soit un manque de moyen ou de préparation parce que le résultat est proprement consternant. The Expendables est un film bâclé, tourné à l’arrache par un réalisateur manifestement plus intéressé à discuter anabolisant avec ses copains qu’à bosser avec son directeur de la photo ou son cadreur…
Truffé d’une foultitude de plans truqués affreux, The Expendablesressemble souvent à un workprint ripé sur la mule. Et pour un film se voulant un hommage sincère à la brutalité frontale du cinéma reaganien, comment accepter de voir le résultat massacré (oui dans le film, le seul vrai massacre, c’est le résultat) par autant d’incrustations numériques désuètes et hasardeuses… J’ai même été envahi par la profonde nostalgie des maquettes en cartons et des miradors en allumettes lorsque j’ai vu l’effondrement du palais, mais peut être les plus indulgents d’entre nous y verront ici un clin d'œil émouvant aux images de synthèses des années 80, qui sait ?
Là où John Rambo séduisait par sa lisibilité rigoureuse, The Expendables ne fait aucun effort. La gestion de l’espace est si ridicule que d’essayer de suivre ce qui se passe à l’écran devient une expérience absurde et irrationnelle. Alors que Michael Bay approfondit depuis quelques années le travail de Kandinsky pour orienter ses scènes vers l’abstraction pure et ainsi poser un regard artistique novateur sur l’idée même d’action et de sa représentation moderne, Stallone n’arrive pas à enchainer trois pauvres plans. Un exemple frappant, la poursuite en voiture (oui ici il n’y a que les exemples qui soient frappant), à quel niveau de nullité faut il tomber pour torcher ainsi une course poursuite toute simple sans que le spectateur ne comprenne rien de ce qui se passe ?! Comment captiver un spectateur qui ne sait pas combien de voitures sont engagées et qui ne pige rien à la résolution de la scène ?
«L’incompétence est un océan sans limite sur lequel dérive le navire de ton ambition» avait coutume de me dire mon assistante sociale, et c’est surement sur cette mer de merde que navigue notre sylvestre Titanic. Bordel, il faut vraiment en avoir rien à foutre de rien pour torcher un climax final aussi nul en pensant qu’une succession d’explosions numériques douteuses fera l’affaire. Quel manque de respect pour les inconscients qui se sont assis une heure et demie devant un écran pour se faire assommer par tant de nullité (oui au final il n’y a que la nullité qui assomme quoique ce soit dans ce machin). On ne peut pas en dire autant de la scène d’infiltration qui précède, pour cette dernière ils ont carrément eu recours, sans vergogne, à l’art subtil et délicat de l’ellipse. Une scène probablement victime d’un montage raté mais étudié comme un futur argument de vente pour un déjà annoncé director’s cut…
La démarche a beau être détestable, elle est loin de faire tâche sur cet étron roublard flottant dans la cuvette de nos espoirs.
-Sans ce truc en kevlar tes organes seraient déjà en purée
-Cause toujours tu m’intéresses
-T’as de la chance mon vieux
-Nan crois moi c’est toi
-Non c’est toi mon vieux
Malgré les apparences, ce dialogue n’est pas issu de La Classe Américaine mais de The Expendables. Je ne plaisante pas, a contrario visiblement du scénariste Dave Callaham, déjà responsable de l’écriture de trois pauvres navets dont le très littéraire Doom.
Aussi comment oublier cette scène où Stallone, étranglé, tout rouge et tout gonflé, est interrogé par le gros méchant qui fait peur ? Car à la question «t’as combien d’hommes avec toi ?» la réponse truculente fera sans nul doute un carton dans les cours d’école et chez les débiles légers : «juste ta mère».
Vous vous rendez compte que la réplique ultime de ce film badass radical partage le même humour qu’Arthur ? Que ses punchlines semblent avoir été écrite par le type qui écrit ses sketchs ?! C’est déjà assez spécial comme sentiment, mais lorsque le gros rasé éructe un sévère «qui t’a envoyé ?» et qu’on lui répond «ton coiffeur !», le spectateur déjà consterné se sent d’un coup propulsé loin, très loin, dans un pays où ne règne que la honte et la contrition. Voyez vous, ce spectateur s’attendait à un trip nostalgique sur son adolescence, vous savez cette époque bénie où, bouffé par l’acné, il rêvait de faire du kung fu et d’avoir un gros uzi… mais nom de Zeus Stallone l’a renvoyé un peu trop loin dans sa régression, directe en CE1 ! Soyons honnête, se pencher sur les dialogues de The Expendables, c’est surtout un prétexte à des moqueries et des quolibets qu’on pensait réservés aux films d’Elie Semoun.
Si l’intrigue est plus famélique qu’un bourguignon végétarien, c’est surtout à cause de la déconnexion totale d’une histoire principale, tenant en trois séquences pouilleuses, de toutes les autres scènes, pensées comme de simples annexes. La trahison de Dolph Lundgren ou les embrouilles conjugales de Jason Statham ne servent qu’à faire patienter le spectateur vers le prochain « morceau de bravoure » et ressemblent à des scènes coupées d’un montage trop généreux. De même la plainte de Rourke et le cabotinage de Roberts semblent totalement hors sujet, même si tout ça est censé servir pour l’un de catalyseur à la revanche et l’autre à la caractérisation de l’ennemi. Ainsi la construction du film ne repose que sur une succession de sketchs sans véritable lien entre eux, une compilation où chaque morceau donne envie d’avancer à la plage suivante.
Si les scènes d’action sont sacrifiées par la mise en scène, pire encore, le scénario s’occupe lui de régler son compte aux personnages. Pire parce que c’est sur cette promesse, cette affiche, que le film a été vendu. Un casting de rêve, une accumulation de noms pour faire fantasmer le fan crédule. Une fois de plus, cruelle est la déception et pendant la projection on ne peut que flairer l’haleine fétide de l’entourloupe faisandé.
Egocentrique, Stallone a écrit le film pour lui, alors qu’il n’a même pas la décence d’avoir quelque chose à raconter sur son personnage, mis à part une bluette glauque entre une jeune fille et un baroudeur de 60 balais bien sonnés qui a passé sa vie à massacrer celle des autres. Rocky revenait sur le lieu de sa jeunesse et Rambo acceptait que le monde autour de lui n’était pas une excuse à sa soif de violence, tout ça avait un sens. Ici, il faut comprendre que ce soit disant « esprit vintage assumé » est surtout une excuse minable pour n’avoir rien à proposer, bien qu’il rate sans surprise tout ce qu’il tente.
L’idée même du film de commando c’est l’idée d’un film choral, ou l’on suit des personnages interagir entre eux pour que l’on éprouve de l’empathie lorsque survient le moment de leur sacrifice. Ici, au-delà de leur sous exploitation, ils n’existent qu’au travers de leur relation à Stallone.
Il est paternaliste avec Statham, qui endosse le rôle du fils prodigue, Stallone consentira même à ce qu’ils tuent le méchant ensemble et lui offrira deux scènes tout seul.
Jet Li, c’est le side-kick rigolo. Généralement on a plutôt un Noir qui fait des blagues mais vu qu’Eddie Murphy devait demander trop cher, on se rabat sur un chinois. On l’appelle Yin-yang (j’ose même pas imaginer si ça avait été un Noir, on aurait eu droit à quoi ? Bamboula ? Blanche Neige ?) et on rigole durant tout le film sur sa petite taille (imaginez les bonnes blagues avec un Noir…).
Lundgren, c’est le frère ennemi qui sera puni parce qu’il défie la puissance du héros. Il lui sera ensuite pardonné après avoir courbé l’échine. Il n’a qu’une scène de bagarre, mais il repasse claquer la bise à la fin, une preuve de la générosité du film doit bêler la garde rapprochée de Sly.
Mickey Rourke revient encore une fois nous sortir son numéro de pénitent et sa gueule de freaks. C’est lui qui réveillera la conscience de Stallone grâce à une anecdote d’une indigence carabinée où il est question de méchants serbes et d’âme perdue présentée comme le grand moment déchirant du film. Assurément le pire moment de nanardisme de ces dernières années. Faut vraiment douter de rien pour pondre un truc pareil et les fans qui sont prêt à gober n’importe quelle mièvrerie dès qu’elle est anônée par un type ravagé bégayant pathétiquement sa rédemption dans des navets de ce genre auront du mal à s’en remettre lorsque leur gaule sera redescendue et qu’ils reverront le film. Applaudir la prestation de Rourke est probablement le spectacle le plus sordide que j’ai du subit depuis l’agonie de la pauvre Omayra.
Passons sur le caméo de Willis et Schwarzy, la scène est tellement bien rythmée et mise en scène qu’on dirait qu’ils n’ont jamais été présents en même temps sur le plateau. C’était sympa, mais juste dans la bande annonce…
Pour finir le tour du casting n’oublions pas Eric Roberts. Il connaît son job et ça, on ne peut pas lui reprocher, vu qu’il joue indéfiniment le même rôle de film en film, roulage des yeux et rictus compris…
Pour le reste du casting de ouf, je ne sais pas vous, mais n’étant pas un spécialiste des bouses virilistes destinées au solderies et ne regardant pas les matchs de sports où ça se tripote à coup de patates dans la gueule, je n’étais pas très au fait des carrières de Terry Crews (Fausse Blonde Infiltrées), Steve Austin (Mi temps au mitard), Randy Couture (Le Roi Scorpion 2) et Gary Daniels (Bloodfist 4). Un casting légendaire donc. Pour nous faire croire qu’ils existent et qu’ils méritent plus qu’un cachet de figurant chacun a sa blague de beauf, le Noir a un gros canon et des grosses balles, le catcheur à une oreille en chou fleur, le méchant est chauve…
On est décidément bien loin de ces films où le succès tenait, en partie, à la caractérisation précise des membres du commando. Ces moments qui font que des films comme Predator ou Extreme Prejudicefonctionnent. The Expendables a beau tenter de nous refaire le coup du «tu te souviens de… (mettre ici le nom d’un pays exotique quelconque comme l’Iran, le Venezuela ou le Nigeria)», «ah oué, c’était un merdier sans nom, on pensait qu’on s’en sortirait jamais», la sauce ne prend pas. Ils nous auraient monté une bonne mayonnaise qu’on aurait eu la frite, mais face au film de Stallone, il n’y a que le vinaigre de mon amertume qui peut me faire avaler toutes ces salades.
Les trips régressifs n’appartiennent donc pas qu’aux crétins qui savent pas boire s’éclatant le samedi soir avec leurs collègues de boulot devant des karaokés de la banlieue ouest en vomissant des génériques de dessins animés. Le trip régressif frappe visiblement tout autant les geeks autoproclamés qui se reluquaient les poils qui leur poussaient à la quéquette lorsque sortaient ces films que célèbre aujourd’hui la nostalgie…
The Expendables surfe sur cette régression d’une manière totalement artificielle et par son évidente modernité technique (shaky cam, montage cut et CGI foireux) on peut se demander s’il y a vraiment une différence entre ça et le spectacle essoufflé de licences 80’s aujourd’hui exploitées jusqu’à l’os. On peut refuser l’évidence mais The Expendables respire la vraie bonne nullité des années 2000.
Le cinéma d’action américain bien facho méritait peut être un hommage, mais le résultat est loin d’être à la hauteur. On aurait aimé voir les hommes de Barney Ross aller délivrer des mercenaires américains captifs en Irak, aller dessouder du terroriste iranien, traquer Ben Laden au Pakistan ou même défendre leur pays contre une invasion de la Corée du Nord.
Non, ils vont affronter un général en carton ondulé sur une île en image de synthèse. Il a beau être complètement stéroïdé, c’est pas le courage qui l’étouffe Sly. Ce politiquement correct pousse même Ross à condamner l’attitude de Gunnar qui veut pendre un pirate, alors qu’ils viennent tous de buter une vingtaine de Somaliens en se foutant de leur gueule…
Les trentenaires d’aujourd’hui avaient 10 ans lorsque Commando est sorti. J’ai de la peine à imaginer le tableau lorsque les tétards qui ont aujourd’hui 10 ans fantasmeront les films de leur enfance pour les faire revivre. Quand j’aurai 60 ans, Crank 2 ou Taxi 4 seront considérés comme des chefs d’œuvre, célébrés par des critiques fustigeant l’élitisme de notre époque. C’était déjà nul hier et demain ça sera encore pire, ce blog est le témoignage de ma lassitude.
SCOTT PILGRIM VS THE WORLD
Avant de voir ce Scott Pilgrim, j’étais confiant ; le britannique Edgar Wright avait réussi avec son premier film, Shaun of the dead, à tourner une histoire d’amour qui réussit à réconcilier les amateurs de romance et les fans de zombies. Ces derniers redécouvraient les joies d’une comédie romantique légère dont la réussite prouvait également aux autres que le mythe du zombie était désormais définitivement sorti des carcans de la sous culture, et pouvait s’imposer à tous, en toutes situations.
Même si son second film, Hot Fuzz, connaissait quelques problèmes de rythme, Wright signait néanmoins là un second métrage éblouissant dont la mise en scène et l’interprétation étaient à l’unisson d’un scénario rocambolesque ponctué de savoureux dialogues absurdes. Une nouvelle réussite.
L’inverse total de ce Scott Pèlerin… ce qui pourrait nous interroger sur la viabilité des adaptations de comic célèbres sur le grand écran…
Le tout naze Kick Ass avait déjà crucifié le trop discret Defendor, prouvant par là qu’un film avec une histoire de merde, mal racontée, aux mécanismes narratifs éventés et définitivement poutré par une mise en scène ridicule pouvait s’imposer comme un film moderne, censé refléter la culture « geek ». Une culture à la con, défendue bec et ongle par des troupeaux d’imposteurs qui pensent fièrement incarner une sorte d’élite culturelle qui pourtant ne repose ni plus ni moins sur la consommation de masse. La descendance triomphante de cette guilde secrète qui défendit des films obscurs comme La Guerre des Etoiles et pesta contre le départ de Grokouik vénère aujourd’hui des œuvres aussi pointues que Spiderman 2, la trilogie du Seigneur des Anneaux ou n’importe quel film qui se dandine sur des millions de dollars. Ils jouent depuis 20 ans à des jeux videos aujourd’hui vendus à des millions et des millions d’exemplaires tout en se tripotant doucement dans les vapeurs d’une espèce de doux rêve collectif leur susurrant à l’oreille qu’ils ne sont pas comme les autres car ils sont différents et qu’ils ne sont pas de ce monde car ils sont asociaux. Bref, ils se pressent par millions dans les travées des multiplexes ou dans les rayons JV de Carrefour persuadés d’être sortis du troupeau.
Scott Pilgrim, comme Kick Ass ou Cyprien, montre la revanche de cette image de pauvre têtard boutonneux qui puisera son pouvoir dans les mondes alternatifs dont il possède les clés (il parle klingon ou sait jouer la ligne de basse d’un thème de Final Fantasy par exemple) pour accomplir une quête qui se limitera toujours à enfiler la bonasse du lycée. Les geeks d’aujourd’hui sont devenus leurs propres héros, délaissant les héros charismatiques aux pouvoirs improbables sur lesquels ils fantasmaient avant, dans la création d’un monde nostalgique idéal en se faisant caresser dans le sens du poil par la régurgitation jouissive d’une culture qu’ils aiment à penser comme alternative.
L’univers geek de Scott se résume donc à celui de jeunes blancs becs banlieusards qui écoutent du rock californien, has been depuis 15 ans et jouent à des jeux videos old school en salle d’arcade. Tout, ici, semble être affaire de nostalgie. L’histoire d’un inadapté social qui va tomber amoureux de la jeune fille mystérieuse et branchée (pauvre Mary Elizabeth Winstead) dont la coolitude réside dans un accoutrement (lunettes, rollers, mèches colorées, il manque que le walkman) qui devait dépoter dans les cours de récré, en 1988. L'histoire d'amour sera parsemée d’embûches, des confrontations avec les 7 ex diaboliques qui représentent tous un côté de la coolitude (qui parodie les icones célébrées par nos petites soeurs) que n'a pas notre héros, mais dont la vaillance du cœur alliée à une pratique intensive de la console viendra à bout. Au final, le jeune débile pécho la meuf, sous l'œil entendu de la rivale qui, elle aussi, aura appris à ouvrir son cœur.
C’est ni plus ni moins que la culture branleuse de trentenaires nombrilistes qui se sublime par une affolante incarnation juvénile tout en évoluant dans un univers aseptisé à la Amélie Poulain, où tout est propre et rose, sans culs de joints dans les cendars et sans palette de graffen dans l’entrée.
Et puis c’est surtout difficile de voir en Scott Pilgrim autre chose qu’un reliftage « geek » d’histoires romantiques cul-cul la praline jadis réservées aux fans de Hartley Cœur à Vif. Un upgrade pour les jeunes connards qui cherchent à tous prix à défendre n’importe quelle merde pour avoir, eux aussi, leur Star Wars ou leur SDA, espérant faire partie de l’Histoire, à l’instar de nos ancêtres toujours prompts à verser dans la mélancolie va t’en guerre.
Un tel ramassis de connerie pourrait passer si on avait eu un scénario assez malin pour prendre un peu de recul, y mettre du second degré ou raconter quelque chose, du moins quelque chose de plus intéressant qu’inscrire « dring » sur l’image lorsque le téléphone sonne. Raconter une histoire avec un enjeu narratif qui serait servi par des personnages qui ne seraient pas totalement unidimensionnel et aussi caricaturaux. Tout ça aiderait le spectateur à ne pas se faire autant chier, surtout si dans le même mouvement les dialogues étaient drôles et que les acteurs ne semblaient pas se demander ce qu’ils foutent là chaque fois qu’ils sont à l’écran sans avoir de réplique à donner…
Scott Pilgrim vs the world est loin d’être un bon film, c’est un film chiant, répétitif et idiot, n’ayant rien à proposer au-delà de l’invitation faite aux spectateurs trentenaires à fantasmer sur des adolescentes dans un édifiant sentiment d’autosatisfaction les persuadant au final qu’avoir passé les 15 dernières années de leur vie à jouer sur une console pourra finalement leur être utile à lever une gamine…
et c'est juste écœurant...
Même si son second film, Hot Fuzz, connaissait quelques problèmes de rythme, Wright signait néanmoins là un second métrage éblouissant dont la mise en scène et l’interprétation étaient à l’unisson d’un scénario rocambolesque ponctué de savoureux dialogues absurdes. Une nouvelle réussite.
L’inverse total de ce Scott Pèlerin… ce qui pourrait nous interroger sur la viabilité des adaptations de comic célèbres sur le grand écran…
Le tout naze Kick Ass avait déjà crucifié le trop discret Defendor, prouvant par là qu’un film avec une histoire de merde, mal racontée, aux mécanismes narratifs éventés et définitivement poutré par une mise en scène ridicule pouvait s’imposer comme un film moderne, censé refléter la culture « geek ». Une culture à la con, défendue bec et ongle par des troupeaux d’imposteurs qui pensent fièrement incarner une sorte d’élite culturelle qui pourtant ne repose ni plus ni moins sur la consommation de masse. La descendance triomphante de cette guilde secrète qui défendit des films obscurs comme La Guerre des Etoiles et pesta contre le départ de Grokouik vénère aujourd’hui des œuvres aussi pointues que Spiderman 2, la trilogie du Seigneur des Anneaux ou n’importe quel film qui se dandine sur des millions de dollars. Ils jouent depuis 20 ans à des jeux videos aujourd’hui vendus à des millions et des millions d’exemplaires tout en se tripotant doucement dans les vapeurs d’une espèce de doux rêve collectif leur susurrant à l’oreille qu’ils ne sont pas comme les autres car ils sont différents et qu’ils ne sont pas de ce monde car ils sont asociaux. Bref, ils se pressent par millions dans les travées des multiplexes ou dans les rayons JV de Carrefour persuadés d’être sortis du troupeau.
Scott Pilgrim, comme Kick Ass ou Cyprien, montre la revanche de cette image de pauvre têtard boutonneux qui puisera son pouvoir dans les mondes alternatifs dont il possède les clés (il parle klingon ou sait jouer la ligne de basse d’un thème de Final Fantasy par exemple) pour accomplir une quête qui se limitera toujours à enfiler la bonasse du lycée. Les geeks d’aujourd’hui sont devenus leurs propres héros, délaissant les héros charismatiques aux pouvoirs improbables sur lesquels ils fantasmaient avant, dans la création d’un monde nostalgique idéal en se faisant caresser dans le sens du poil par la régurgitation jouissive d’une culture qu’ils aiment à penser comme alternative.
L’univers geek de Scott se résume donc à celui de jeunes blancs becs banlieusards qui écoutent du rock californien, has been depuis 15 ans et jouent à des jeux videos old school en salle d’arcade. Tout, ici, semble être affaire de nostalgie. L’histoire d’un inadapté social qui va tomber amoureux de la jeune fille mystérieuse et branchée (pauvre Mary Elizabeth Winstead) dont la coolitude réside dans un accoutrement (lunettes, rollers, mèches colorées, il manque que le walkman) qui devait dépoter dans les cours de récré, en 1988. L'histoire d'amour sera parsemée d’embûches, des confrontations avec les 7 ex diaboliques qui représentent tous un côté de la coolitude (qui parodie les icones célébrées par nos petites soeurs) que n'a pas notre héros, mais dont la vaillance du cœur alliée à une pratique intensive de la console viendra à bout. Au final, le jeune débile pécho la meuf, sous l'œil entendu de la rivale qui, elle aussi, aura appris à ouvrir son cœur.
C’est ni plus ni moins que la culture branleuse de trentenaires nombrilistes qui se sublime par une affolante incarnation juvénile tout en évoluant dans un univers aseptisé à la Amélie Poulain, où tout est propre et rose, sans culs de joints dans les cendars et sans palette de graffen dans l’entrée.
Et puis c’est surtout difficile de voir en Scott Pilgrim autre chose qu’un reliftage « geek » d’histoires romantiques cul-cul la praline jadis réservées aux fans de Hartley Cœur à Vif. Un upgrade pour les jeunes connards qui cherchent à tous prix à défendre n’importe quelle merde pour avoir, eux aussi, leur Star Wars ou leur SDA, espérant faire partie de l’Histoire, à l’instar de nos ancêtres toujours prompts à verser dans la mélancolie va t’en guerre.
Un tel ramassis de connerie pourrait passer si on avait eu un scénario assez malin pour prendre un peu de recul, y mettre du second degré ou raconter quelque chose, du moins quelque chose de plus intéressant qu’inscrire « dring » sur l’image lorsque le téléphone sonne. Raconter une histoire avec un enjeu narratif qui serait servi par des personnages qui ne seraient pas totalement unidimensionnel et aussi caricaturaux. Tout ça aiderait le spectateur à ne pas se faire autant chier, surtout si dans le même mouvement les dialogues étaient drôles et que les acteurs ne semblaient pas se demander ce qu’ils foutent là chaque fois qu’ils sont à l’écran sans avoir de réplique à donner…
Scott Pilgrim vs the world est loin d’être un bon film, c’est un film chiant, répétitif et idiot, n’ayant rien à proposer au-delà de l’invitation faite aux spectateurs trentenaires à fantasmer sur des adolescentes dans un édifiant sentiment d’autosatisfaction les persuadant au final qu’avoir passé les 15 dernières années de leur vie à jouer sur une console pourra finalement leur être utile à lever une gamine…
et c'est juste écœurant...
HARRY BROWN
Trainant sa réputation de vigilante movie très classique, Harry Brown(un nom stupéfiant pour un type qui fait cracher la poudre pour fumer du junkie) ne surprendra pas grand monde par son histoire totalement stéréotypée se déroulant sur les rails bien droits d’un des genres les plus vilipendés. Limpides mais aussi totalement prévisibles, les différents éléments de l’intrigue sont mis en place d’une manière efficace grâce à une structure solide. Portées par un score efficace, certaines scènes bénéficient de cadrages élégants et d’une interprétation tout en retenue offerte par un casting réussi dominé par un Michael Caine à la filmographie récente plutôt inégale (les calamiteux remakes de The Weather Man et du Limier, Les fils de l’Homme, les deux Batman, le pénible Inception) qui offre ici une prestation d’une agréable sobriété.
Cette première partie, qui se laisse suivre avec un réel plaisir, décrit donc le crépuscule d’un vieil homme fatigué qui vient de perdre sa femme et dont le seul ami qui lui reste nous fait part de son tourment et des humiliations qu’une bande de jeunes voyous à capuches lui infligent. Ces jeunes « hoodies » sont d’abord présentés du point de vue d’Harry Brown, souvent de sa fenêtre, comme une sorte de menace tout aussi lointaine que proche. S’il elle est d’abord vue comme sans visage et agressive, elle n’en demeure pas moins l’engeance du quartier déshérité qui l’a vu vivre et vieillir. Dans ce premier acte David Barber nous offre une poignée de scènes admirables... Comme par exemple ce travelling arrière dans un vestibule que la fumée envahit peu à peu, une scène muette, lente, suspendue, où la trivialité d’une mauvaise farce puérile laisse peu à peu la place à un ressentiment profondément tragique. Il y a aussi cette scène d’interrogatoire où se succèdent les jeunes meurtriers face à deux policiers dépassés d’une justesse saisissante, faisant éclater un clivage irrémédiable grâce à un montage alterné inspiré. Et puis il y a cette scène captivante où la jeune fliquette idéaliste cherche à déstabiliser le vieil homme bourru et qui tourne à l’avantage de ce dernier lors d’un exposé sur les échecs offrant au spectateur une astucieuse mise en abyme.
Hélas. Hélas, hélas… Toute la finesse de cette mise en place patiemment tricotée sera scrupuleusement piétinée lorsque le film et son protagoniste basculeront dans le vif du sujet. Suite à l’assassinat de l’ami d’Harry, on nous refourgue l’inévitable scène du personnage hanté par un douloureux passé qui le rattrape et qui va se décider à l’affronter. Là, seul sur son lit, il ouvre la vieille boite qui appartenait à l’homme qu’il était autrefois, celle remplie de souvenirs de l’armée… Là, sous la sempiternelle lettre de la petite fille disant à son papa qu’elle l’aime, Harry retrouve son couteau et dans le même temps le réalisateur perd lui toutes ses capacités. A partir de ce moment tout ce qui était finesse et élégance se transforme en une sorte de caricature balourde dont le sérieux de chaque instant pousse le film dans un grotesque absurde pour finir par patauger dans une sordide mélasse de connerie satisfaite.
Lorsqu’Harry décide de demander des comptes à la racaille, ce qui n’était alors qu’à peine esquissé s’incarne subitement dans un manichéisme absolu qui n’aura qu’un point de vue à sens unique à offrir, un point de vue simpliste et finalement très confortable sous l’apparence trompeuse d’un radicalisme rebelle et à contre courant. La description réaliste d’un quartier qui se meurt laisse place à un univers fantasmatique morbide totalement surréaliste et presqu’hors sujet.
La scène du dealer de flingues plonge enfin le spectateur dans le monde de la menace et offre un condensé de toute l’abjection humaine dans ce qu’elle a de plus dépravée : un salaud squelettique à l’apparence monstrueuse se regarde violer une junkie inconsciente sur une gigantesque et dispendieuse télé 16/9ème tout en s’offrant un shoot d’héro lors d’un deal ayant lieu dans un squat immonde dans lequel pousse une véritable forêt de weed. Ce qui est gênant, ce n’est pas forcément qu’un film parti comme une chronique très premier degré vire d’un coup au film d’horreur grand guignolesque, ce qui est gênant c’est surtout que par ce biais on ne cherche plus à nous faire comprendre quoique ce soit, on nous impose d’être aux côtés d’Harry et d’approuver ce qu’il fait. Harry ne se bat pas contre des hommes, bons ou mauvais, il se bat contre des monstres et, bien sûr, impossible d’avoir la moindre compassion pour des personnages présentés comme des animaux. Ces brutes droguées, ultraviolentes sont aussi et surtout irrécupérables comme l’expose clairement le réalisateur aux détours de deux dialogues : Le père du dealer est un caid, il suivra le même chemin et s’il a un gamin il en sera de même. Ces propos fatalistes tenus à la fois par le dealer et par un flic entérinent ce qu’on impose au spectateur, à savoir l’évidence de la justesse du combat d’Harry.
En passant on peut également remarquer que le seul dealer à être présenté avec de sérieuses fêlures (viols répétés de la part d’un des boss du trafic) sera abattu par ses potes après avoir été torturé par Brown. La sauvagerie des méchants est telle qu’au-delà de s’en prendre aux autres, ils n’hésitent pas à s’auto phagocyter. Dans le dispositif du film, ce point est loin d’être un hasard car là encore la tuerie perpétuée par Brown est vidé de sa substance et on peut tout à fait se demander si ses balles ne seraient tout simplement pas le catalyseur d’une issue à la fatalité évidente, incarnant par sa tranquillité et par son savoir faire toute la noblesse du devoir que la police ne sait ou ne peut s’occuper,
Harry Brown a servit dans l’armée et en est sorti bardé de médailles, après avoir sauvé une innocente junkie, il va donner l’argent volé au gang à l’église. Toutes ces valeurs traditionnelles, et bien sûr un entrainement en bonne et due forme hérité des marines, nous assurent qu’il saura être juste dans une croisade résolument nécessaire. Jamais, jusqu’au dénouement, il ne sortira du droit chemin de la mission qu’il s’est fixé et qu’il mènera à bien avec calme et détermination.
A l’orée du dernier acte, le film a déjà sombré, comme Harry, submergé par son propos misérable et plombé par une mise en scène ayant renié toutes les promesses de sa superbe introduction. La descente aux enfers, véritable pilier du film de vigilante s’applique ici au spectateur qui subira un dernier acte quasiment abstrait où il pourra s’amuser de constater que les notions les plus élémentaires de crédibilité sont foulées du pied avec un sérieux affligeant. La scène d’émeute qui ouvre ce dernier acte peine à impressionner le spectateur tellement elle est mal fichue. Les plans répétitifs, le manque flagrant de figurants policiers et la configuration aléatoire de l’ensemble condamnent une scène probablement voulue comme dantesque. De cette scène ratée, le spectateur est alors trimbalé vers un règlement de compte final sabordé par le manque d’implication évident causé par autant d’aberrations.
Au final, il aura suffit de distribuer une poignée de bastos dans quelques têtes pour que tout puisse rentrer dans l’Ordre. Le quartier n’était pourri que par la présence de quelques pommes gâtées, celles-ci chassées hors du panier la tarte promet d’être délicieuse. Tout le monde pourra en prendre une part et on oubliera les conditions de vie dégueulasses, le chômage et la paupérisation qui ont lessivé les couches populaires. Il s’agit simplement de ne pas oublier que les dealers pédophiles qui trafiquent des armes et des filles peuvent être sous votre nez sans que vous le sachiez. Pensez au barman de Harry…
La conclusion de ce film branlant est aussi douce qu’un contrôle de la BAC, aussi subtile comme du Charles Villeneuve. Harry est devenu une sorte de héros anonyme et jamais il ne s’agira de questionner le crime et son châtiment, la violence de l’un et celle de l’autre, pas plus qu’il n’y aura de réflexion sur les notions de vengeance ou de vigilantisme, ce film ne pose pas et ne se pose pas de questions, ni sur la drogue, ni sur la violence, ni sur la pauvreté, il affirme. Il impose le bien fondé d’une justice personnelle radicale par les moyens moralement douteux et narrativement paresseux du manichéisme et de la caricature. La complicité passive de la fliquette qui finit par approuver la démarche de Brown pose pourtant une question sur le film, finalement, peut on vraiment parler de meurtre lorsqu’on a enlevé toute humanité sur celui sur qu’on tire ?
Tout au long du film, Harry passe devant un tunnel qu’il choisit d’éviter, le dernier plan du film nous montre qu’il finit par le prendre, d’un air un peu mutin, satisfait, car Harry Brown ne s'est pas vengé qu'en son nom, à travers lui c'est la communauté silencieuse toute entière, toutes les veuves et tous les orphelins qui se sont vengés comme l'atteste l’un des derniers plan édifiant dévoilant une cité ensoleillée enfin pacifiée et où flânent de nouveau les mamans et leurs poussettes devant le spectacle joyeux de petits enfants qui s’ébrouent dans la bonne humeur. Et tant pis si c’est légèrement contradictoire avec les images précédentes où les rues étaient à feu et à sang sous le joug de dizaines d’incontrôlés.
Alors je veux bien qu’on ne prenne le film pour un divertissement couillu, pour un western moderne ou pour je ne sais pas quoi d’autre. Au-delà même de toutes considérations politiques ou morales, c’est d’une telle naïveté visuelle et d’une telle connerie qu’on en vient à rêver d’aller se balader de plateaux en salles de production, une arme à la main, semer du plomb pour que demain nos enfants et nos mamans ne se fassent plus insulter par de pareilles merdes et que le bonheur refleurisse dans le cœur des spectateurs. Et qu’il arrête aussi de pleuvoir quand on fait la queue…
Pire que le déjà bien crétin Death Sentence qui avait au moins la décence de se prendre un peu moins au sérieux, Harry Brown nous aura d’abord montré le meilleur pour nous offrir le pire, Harry Brown est un film d’action raté, une chronique sociale demeurée et un vigilante movie des plus simpliste qui n’aura jamais réussi à aller au-delà du cliché que n’importe qui peut se faire du genre.
Mais rassurez vous, on ne peut pas objectivement taxer le film de fasciste, le fascisme est une chose bien trop sérieuse et Harry Brownest bien trop ridicule pour se voir accoler une telle épithète.
Film de merde.
PS : Pour en savoir plus sur ce genre compliqué, trouble et typiquement américain, vous pouvez toujours vous reporter sur l’excellent, quoique trop court, livre du passionnant Fathi Beddiar « Tolérance Zéro, la justice expéditive au cinéma » aux éditions Bazaar.
Cette première partie, qui se laisse suivre avec un réel plaisir, décrit donc le crépuscule d’un vieil homme fatigué qui vient de perdre sa femme et dont le seul ami qui lui reste nous fait part de son tourment et des humiliations qu’une bande de jeunes voyous à capuches lui infligent. Ces jeunes « hoodies » sont d’abord présentés du point de vue d’Harry Brown, souvent de sa fenêtre, comme une sorte de menace tout aussi lointaine que proche. S’il elle est d’abord vue comme sans visage et agressive, elle n’en demeure pas moins l’engeance du quartier déshérité qui l’a vu vivre et vieillir. Dans ce premier acte David Barber nous offre une poignée de scènes admirables... Comme par exemple ce travelling arrière dans un vestibule que la fumée envahit peu à peu, une scène muette, lente, suspendue, où la trivialité d’une mauvaise farce puérile laisse peu à peu la place à un ressentiment profondément tragique. Il y a aussi cette scène d’interrogatoire où se succèdent les jeunes meurtriers face à deux policiers dépassés d’une justesse saisissante, faisant éclater un clivage irrémédiable grâce à un montage alterné inspiré. Et puis il y a cette scène captivante où la jeune fliquette idéaliste cherche à déstabiliser le vieil homme bourru et qui tourne à l’avantage de ce dernier lors d’un exposé sur les échecs offrant au spectateur une astucieuse mise en abyme.
Hélas. Hélas, hélas… Toute la finesse de cette mise en place patiemment tricotée sera scrupuleusement piétinée lorsque le film et son protagoniste basculeront dans le vif du sujet. Suite à l’assassinat de l’ami d’Harry, on nous refourgue l’inévitable scène du personnage hanté par un douloureux passé qui le rattrape et qui va se décider à l’affronter. Là, seul sur son lit, il ouvre la vieille boite qui appartenait à l’homme qu’il était autrefois, celle remplie de souvenirs de l’armée… Là, sous la sempiternelle lettre de la petite fille disant à son papa qu’elle l’aime, Harry retrouve son couteau et dans le même temps le réalisateur perd lui toutes ses capacités. A partir de ce moment tout ce qui était finesse et élégance se transforme en une sorte de caricature balourde dont le sérieux de chaque instant pousse le film dans un grotesque absurde pour finir par patauger dans une sordide mélasse de connerie satisfaite.
Lorsqu’Harry décide de demander des comptes à la racaille, ce qui n’était alors qu’à peine esquissé s’incarne subitement dans un manichéisme absolu qui n’aura qu’un point de vue à sens unique à offrir, un point de vue simpliste et finalement très confortable sous l’apparence trompeuse d’un radicalisme rebelle et à contre courant. La description réaliste d’un quartier qui se meurt laisse place à un univers fantasmatique morbide totalement surréaliste et presqu’hors sujet.
La scène du dealer de flingues plonge enfin le spectateur dans le monde de la menace et offre un condensé de toute l’abjection humaine dans ce qu’elle a de plus dépravée : un salaud squelettique à l’apparence monstrueuse se regarde violer une junkie inconsciente sur une gigantesque et dispendieuse télé 16/9ème tout en s’offrant un shoot d’héro lors d’un deal ayant lieu dans un squat immonde dans lequel pousse une véritable forêt de weed. Ce qui est gênant, ce n’est pas forcément qu’un film parti comme une chronique très premier degré vire d’un coup au film d’horreur grand guignolesque, ce qui est gênant c’est surtout que par ce biais on ne cherche plus à nous faire comprendre quoique ce soit, on nous impose d’être aux côtés d’Harry et d’approuver ce qu’il fait. Harry ne se bat pas contre des hommes, bons ou mauvais, il se bat contre des monstres et, bien sûr, impossible d’avoir la moindre compassion pour des personnages présentés comme des animaux. Ces brutes droguées, ultraviolentes sont aussi et surtout irrécupérables comme l’expose clairement le réalisateur aux détours de deux dialogues : Le père du dealer est un caid, il suivra le même chemin et s’il a un gamin il en sera de même. Ces propos fatalistes tenus à la fois par le dealer et par un flic entérinent ce qu’on impose au spectateur, à savoir l’évidence de la justesse du combat d’Harry.
En passant on peut également remarquer que le seul dealer à être présenté avec de sérieuses fêlures (viols répétés de la part d’un des boss du trafic) sera abattu par ses potes après avoir été torturé par Brown. La sauvagerie des méchants est telle qu’au-delà de s’en prendre aux autres, ils n’hésitent pas à s’auto phagocyter. Dans le dispositif du film, ce point est loin d’être un hasard car là encore la tuerie perpétuée par Brown est vidé de sa substance et on peut tout à fait se demander si ses balles ne seraient tout simplement pas le catalyseur d’une issue à la fatalité évidente, incarnant par sa tranquillité et par son savoir faire toute la noblesse du devoir que la police ne sait ou ne peut s’occuper,
Harry Brown a servit dans l’armée et en est sorti bardé de médailles, après avoir sauvé une innocente junkie, il va donner l’argent volé au gang à l’église. Toutes ces valeurs traditionnelles, et bien sûr un entrainement en bonne et due forme hérité des marines, nous assurent qu’il saura être juste dans une croisade résolument nécessaire. Jamais, jusqu’au dénouement, il ne sortira du droit chemin de la mission qu’il s’est fixé et qu’il mènera à bien avec calme et détermination.
A l’orée du dernier acte, le film a déjà sombré, comme Harry, submergé par son propos misérable et plombé par une mise en scène ayant renié toutes les promesses de sa superbe introduction. La descente aux enfers, véritable pilier du film de vigilante s’applique ici au spectateur qui subira un dernier acte quasiment abstrait où il pourra s’amuser de constater que les notions les plus élémentaires de crédibilité sont foulées du pied avec un sérieux affligeant. La scène d’émeute qui ouvre ce dernier acte peine à impressionner le spectateur tellement elle est mal fichue. Les plans répétitifs, le manque flagrant de figurants policiers et la configuration aléatoire de l’ensemble condamnent une scène probablement voulue comme dantesque. De cette scène ratée, le spectateur est alors trimbalé vers un règlement de compte final sabordé par le manque d’implication évident causé par autant d’aberrations.
Au final, il aura suffit de distribuer une poignée de bastos dans quelques têtes pour que tout puisse rentrer dans l’Ordre. Le quartier n’était pourri que par la présence de quelques pommes gâtées, celles-ci chassées hors du panier la tarte promet d’être délicieuse. Tout le monde pourra en prendre une part et on oubliera les conditions de vie dégueulasses, le chômage et la paupérisation qui ont lessivé les couches populaires. Il s’agit simplement de ne pas oublier que les dealers pédophiles qui trafiquent des armes et des filles peuvent être sous votre nez sans que vous le sachiez. Pensez au barman de Harry…
La conclusion de ce film branlant est aussi douce qu’un contrôle de la BAC, aussi subtile comme du Charles Villeneuve. Harry est devenu une sorte de héros anonyme et jamais il ne s’agira de questionner le crime et son châtiment, la violence de l’un et celle de l’autre, pas plus qu’il n’y aura de réflexion sur les notions de vengeance ou de vigilantisme, ce film ne pose pas et ne se pose pas de questions, ni sur la drogue, ni sur la violence, ni sur la pauvreté, il affirme. Il impose le bien fondé d’une justice personnelle radicale par les moyens moralement douteux et narrativement paresseux du manichéisme et de la caricature. La complicité passive de la fliquette qui finit par approuver la démarche de Brown pose pourtant une question sur le film, finalement, peut on vraiment parler de meurtre lorsqu’on a enlevé toute humanité sur celui sur qu’on tire ?
Tout au long du film, Harry passe devant un tunnel qu’il choisit d’éviter, le dernier plan du film nous montre qu’il finit par le prendre, d’un air un peu mutin, satisfait, car Harry Brown ne s'est pas vengé qu'en son nom, à travers lui c'est la communauté silencieuse toute entière, toutes les veuves et tous les orphelins qui se sont vengés comme l'atteste l’un des derniers plan édifiant dévoilant une cité ensoleillée enfin pacifiée et où flânent de nouveau les mamans et leurs poussettes devant le spectacle joyeux de petits enfants qui s’ébrouent dans la bonne humeur. Et tant pis si c’est légèrement contradictoire avec les images précédentes où les rues étaient à feu et à sang sous le joug de dizaines d’incontrôlés.
Alors je veux bien qu’on ne prenne le film pour un divertissement couillu, pour un western moderne ou pour je ne sais pas quoi d’autre. Au-delà même de toutes considérations politiques ou morales, c’est d’une telle naïveté visuelle et d’une telle connerie qu’on en vient à rêver d’aller se balader de plateaux en salles de production, une arme à la main, semer du plomb pour que demain nos enfants et nos mamans ne se fassent plus insulter par de pareilles merdes et que le bonheur refleurisse dans le cœur des spectateurs. Et qu’il arrête aussi de pleuvoir quand on fait la queue…
Pire que le déjà bien crétin Death Sentence qui avait au moins la décence de se prendre un peu moins au sérieux, Harry Brown nous aura d’abord montré le meilleur pour nous offrir le pire, Harry Brown est un film d’action raté, une chronique sociale demeurée et un vigilante movie des plus simpliste qui n’aura jamais réussi à aller au-delà du cliché que n’importe qui peut se faire du genre.
Mais rassurez vous, on ne peut pas objectivement taxer le film de fasciste, le fascisme est une chose bien trop sérieuse et Harry Brownest bien trop ridicule pour se voir accoler une telle épithète.
Film de merde.
PS : Pour en savoir plus sur ce genre compliqué, trouble et typiquement américain, vous pouvez toujours vous reporter sur l’excellent, quoique trop court, livre du passionnant Fathi Beddiar « Tolérance Zéro, la justice expéditive au cinéma » aux éditions Bazaar.
WORLD INVASION : BATTLE LOS ANGELES
Les invasions aliens d’outre espace et les super héros qui défendent le cœur de l’Amérique sont décidemment les divertissements à la mode de ces dernières années… Ainsi chaque semaine se déversent les projections culturelles des crises propres aux époques troublées. Des multiplexes où s’écoule l’huile du popcorn industriel aux bacs à dvds soldés dans lesquels s’entassent les pâles imitations fauchées des dispendieuses merdes des studios, l’Amérique a un message : Elle est en danger. Un message dramatique qui tourne en boucle et qui s’adresse à la planète mais qui s’échoue lamentablement devant les yeux blasés des amateurs de maïs soufflé et des ménagères égarées du monde entier. On dirait un peu ces phoques piteux qu’on voit entassés sur ces hostiles plages du Nord, couvertes de galets, et qui observent ahuris ce que l’océan leur rejette, jour après jour.
A Hollywood, on s’échine à faire briller un cinéma qu’on aurait aimé croire archaïque ou du moins démodé. Un cinéma galvanisant. Un cinéma fait pour le moral des troupes qui se battent et pour celui des mamans qui votent. Un cinéma qui doit rendre l’armée glamour et qui repose sur des sentiments nobles, comme le sacrifice, l’héroïsme et la patrie, un cinéma qui célèbre la famille et son besoin de sécurité. Un cinéma de l’honneur et de la fidélité, un cinéma du rétablissement de l’ordre. Un cinéma qui te donne envie de montrer tes papiers et de baisser les yeux. Un cinéma qui a des valeurs et qui te prend pour une merde.
Et à Hollywood, nombreux sont les candidats prêts à investir et miser sur le tragique. Le système et les bureaux de liaisons entre les Studios et le Pentagone trouvent toujours des laquais dont l’échine est assez courbée pour leur permettre de tartiner à genoux leurs biscottes de propagande.
Aujourd'hui, c’est Jonathan Liebesman qui accède au poste de wannabe Emmerich. Liebesman, c’est un réalisateur d’une trentaine d’années qui, de concert avec quelques autres réals de sa génération, ont décidé de chier de concert sur l’héritage qu’ils déclarent vénérer. Réalisateur fossoyeur du prequel du remake de Massacre à la tronçonneuse, Liebesman a enfin gagné le droit d’aller jouer à la guerre aux commandes d’un blockbuster triomphant, véhicule des valeurs positives d’une Amérique qui se cherche une unité par la noblesse d’une cause et la justesse d’un combat fédérateur. Comme un camé tout glaireux qui replanterait inlassablement sa seringue dans son bras en espérant faire du fantasme d’un ancien bonheur fugace, passé depuis longtemps, une réalité, l’Amérique semble passer son temps à s’auto flageller dans le spectacle sans cesse renouvelé de sa destruction pour avoir le plaisir pervers de se repaitre de son obsession d’unité patriotique. On cherche à revivre la communion nationale des autocélébrations post 11/09, ad nauseam.
Ce coup ci, des aliens débarquent sur la côte Ouest et attention, pas de méprise, le titre World Invasion Battle : Los Angeles n’a rien à voir avec le vieux groupe funk altermondialiste Rage contre la Machine. Il s’agit ici d’une référence à un célèbre incident survenu en 1942 à Los Angeles et dont s’inspire le 1941 de Milius et Spielberg. Le caractère franchement génocidaire de cette armée alien, couplé à une réalisation au plus prêt des troufions façon Soldat Ryan finit de donner une ambiance très « WW2 » au film jusque dans la résurrection du fantasme d’une attaque japonaise frappant L.A…. World Battle Invasion Los Angeles, c’est Pearl Harbour 2. La cause est juste, la guerre est juste, les enjeux sont simples, la Nation doit être protégée. Au-delà de singer maladroitement le cinéma de guerre des années 60, le film de Liebesman développe son ambiance militaire au travers d’images aux références visuelles nettement plus modernes. La réalisation dont la grammaire s’arrête au pénible effet « caméra à l’épaule » provoque une image chaotique et de nombreux hors champs censés reproduire la représentation de la réalité offerte par les films tournés par les soldats eux-mêmes lors des conflits récents. Ainsi Liebesman déclare s’être inspiré des combats à Fallujah pour le style de son film. Du Soldat Ryanà Black Hawk Down, en passant par la puissance iconique des images amateurs, World Los Angeles Battle Invasion réutilise un langage visuel, non pour l’interroger, mais seulement pour convoquer sa dramaturgie, cherchant à provoquer un reflexe quasi pavlovien d’empathie. La guerre finalement, est-elle devenue autre chose que le laboratoire de ses futures représentations ? Les conflits passent, les films restent. Aujourd’hui si l’on pense au débarquement, difficile d’imaginer autre chose que Mitchum et Fonda papotant sur une plage, le conflit vietnamien ressemble à une grosse partouze où il était question de surf et de napalm… La représentation fictive remplace la réalité. La guerre aujourd’hui se mène également sur le terrain imaginaire.
Mais mélanger ainsi l’idée de la dernière guerre « juste » (et surtout gagnée) aux images de combats contemporains provenant de conflits aux issus et aux enjeux plus que discutables provoque forcément un certain malaise par l’évidence et la balourdise du procédé. A aucun moment le choix de la réalisation ne semble suivre autre chose qu’une posture maladroite dans son sérieux et déplacée dans son premier degré. La Guerre des Mondes filmait l’invasion à hauteur d’homme,W.I.B.L.A. la filme au cœur d’une escouade perdue derrière les lignes ennemies dans la confusion et l’urgence. Mission amplement loupée si l’on considère qu’une scène à la réalisation confuse ne rend pas forcément justice à la confusion produite par une situation de combat. Le n’importe quoi intégral dans lequel s’épanche l’a peu prêt d’une mise en scène envisagée au petit bonheur la chance oblige cette grosse tanche de Liebesman à quitter son postulat en faisant régulièrement passer quelques plans d’ensemble pour essayer de redonner au spectateur une idée de la situation sur le terrain…
Qu’il foire ses scènes d’action parce que ça va trop vite et que la configuration des combats est particulièrement complexe (des types cachés derrière des voitures sur une autoroute tirent sur des robots de l’espace qui arrivent en face d’eux), on peut comprendre. La filmographie de Liebesman, s’il est clair qu’elle ne nous pousse pas à l’indulgence, nous aura au moins évité d’être surpris par la nullité de son nouveau film.
Parce qu’il faut voir ces scènes d’intérieur où des types devisent tranquillement en étant filmés par un caméraman éméché qu’on imagine facilement titubant en tentant désespérément de faire le point sur sa caméra alors qu’il n’arrive pas à cadrer quoique ce soit. Soyons sport et reconnaissons que la démarche peut paraître audacieuse, du moins sur le papier. Filmer des acteurs défoncés, on avait déjà vu ça, alors aujourd'hui, c’est le caméraman qui est sous acide et qui filme des acteurs sous prozac. C’est notre époque et j’admets qu’il n’est pas désagréable d’avoir la sensation d’être subitement défoncé à l’eau écarlate dès que deux personnages s’échangent les banalités consternantes écrites par un scénariste débutant dont on doute fortement de la pertinence de son orientation professionnelle récente et dont je tairais le nom par charité.
Influencées par l’industrie vidéoludique, FPS en tête (on a souvent l’impression de jouer à Call Of Duty quand ça lagge) les scènes de combat constituent le corps du film et se doivent, époque oblige, d’être âpres, tendues et éprouvantes. Surtout éprouvantes en fait, et elles le sont. Aucun doute à ce sujet. Elles me rappellent même ces images fugaces noyées dans le vacarme assourdissant de ces après midi de mon enfance lorsque je me tortillais sur le canapé, tentant vainement de regarder Goldorak à la télé alors que ma mère passait l’aspirateur dans le salon.
A quoi ça sert de vouloir jouer la carte du « réalisme » lorsqu’on écrit un scénario et des dialogues qui mettent en scènes des militaires aussi peu crédibles. Je veux bien que la suspension d’incrédulité et notre soif de situations héroïques poignantes nous font parfois accepter des tirades un chouia plus lyriques que ce qu’elles devraient être, mais là c’est même pas ça. Ils racontent n’importe quoi, n’importe comment et ce, n’importe quand. C’est pas un film, c’est une répétition générale où les personnages déclament des dialogues en yaourt. On n’a même pas l’impression qu’ils sont américains, on dirait qu’ils font tous semblant. Le casting fait ce qu’il peut (j’ai noté : courir parfois, crier de temps en temps et secouer leurs fusils en disant des trucs rigolos) mais la présence de Michelle Rodriguez - dont la prestation ubuesque rappelle son travail sur Avatar – finit de décourager toutes les velléités d’implication des spectateurs les plus motivés.
Au-delà du delirium tremens du cadreur et de ses enjeux rigolos, Liebesman échoue lamentablement à insuffler le moindre lyrisme à son film tout pourri, il n’a visiblement pas compris l’essence même de cette notion, ne sachant visiblement pas qu’un hélicoptère américain ne décolle ou n’atterrit que si le soleil est bas dans l’horizon… Pétri d’une incompétence à la banalité fatigante, il est encore bien loin d’avoir la classe de Roland Emmerich dans l’art subtil de tricoter avec application des films débiles à la bêtise exemplaire, et je ne parle même pas de le comparer à la démarche crypto punk de Michael Bay, le Kandinsky du blockbuster ! Mais surtout, comble du ridicule, le vilain canardW.A.B.L.I. se paie également le luxe d’ être à la remorque du pourtant très cheapos et surtout très nul Skyline. Contrairement au film de Liebesman à l’échec d’une vulgarité moins amusante que franchement embarrassante, Skyline avait au moins pour lui ce petit côté amateur rive gauche livré dans son ambiance existentielle causy dans laquelle des personnages issus de sitcoms devaient se confronter à l’irruption de monstres mécaniques avides de leur énergie. Filmé de manière détendue, le drame intimiste se télescopait à la violence d’un monde en perdition, faisant éclater le champ du loft et projetant ses protagonistes hors du cadre. C’était nul, mais au moins ça l’était honnêtement.
Les raisons de cette déroute artistique sont évidemment à mettre au crédit de prises de vues bâclées, mais également au renoncement total à servir le génie militaire que glorifiaient les influences évidentes de ce minable rejeton qu’est Los Angeles Invasion Battle World… Alors que les militaristes célèbres comme Milius prenaient toujours soin de montrer tout l’art de la guerre dans ses réussites et ses défaites, son horreur et son humanité mais surtout dans l’exaltation de ses tactiques et de ses gestes (Conan, L’adieu au Roi, La rose et le lion), le film de Liebesman présente des engagements simplistes dans une opération sans enjeu. Les marines comprennent tout, très vite, et rien n’est trop compliqué pour eux. Et s’ils parviennent systématiquement à savoir ce qu’il faut faire, c’est bien parce que tout est absolument linéaire et que les aliens se battent comme des truffes, obligés par un script complice de laisser le bâtiment le plus important de leur flotte sous la surveillance molle de quelques rushs abandonnés de Terminator 4 pour que l’armée américaine puisse avoir l’air de triompher héroïquement.
Pire, lorsqu’on aperçoit finalement les aliens je n’ai pu m’empêcher de penser que L.A. était attaqué par des Toons dans ce qui me semblait devenir une caricature absurde du film que je pensais voir. A mon avis, s’il faut maintenant que l’armée US se batte contre des pokémons pour qu’on doive la prendre au sérieux, c’est qu’on nage en pleine décadence !
Les intentions pachydermiques de l’auteur de cette merde ont beau être claires, passé le premier quart d’heure il devient cependant ridicule de prendre la posture et de jouer l’outré devant un tel étalage de conneries réactionnaires. Ce n’est évidemment pas étonnant et vous ne me trouverez pas ici à fustiger le patriotisme insoutenable et le militarisme galopant d’une oeuvre pensée comme un véhicule publicitaire de 70 millions de dollars pour le corps des Marines. Les clichés les plus éculés (le microcosme ethniquement varié et dont les préoccupations tournent toutes autour de la famille - un frère tué, un enfant qui va naitre, une femme à épouser, un père et son fils…) ne s’enfilent pas sur la structure du récit, ils sont le récit. Dans ce contexte, l’issue du combat et la rédemption du héros sont une telle évidence que seuls les pensionnaires d’un hospice spécialisé dans le traitement d’Alzheimer auront l’indulgente complicité d’y voir là le moindre enjeu.
Parce que ce qui me choque dans le film de Liebesman, c’est pas vraiment ses intentions, aussi débiles soient elles, c’est le talent déployé pour les servir. Louez votre bravoure, pignolez vous sur votre drapeau, excitez la testostérone et flattez l’instinct maternel autant que vous voulez, vos âneries trouveront toujours des clients, mais faites le avec panache que diable. A quoi bon porter au pinacle une palanquée de valeurs morbides si c’est pour les traiter par-dessus la jambe ? Après Saigon, Mogadiscio, Bagdad et Kaboul, Hollywood semble devenir le nouveau bourbier de l’armée américaine réduite à flinguer des pokemons dans un blockbuster tourné de manière aussi rigoureuse qu’un boulard gonzo ! Dans sa volonté à vouloir refaire à l’endroit ce queStarship Troopers avait fait à l’envers, le film de Liebesman convoque la gravité de l’engagement des troupes américaines dans un film qui finit sa course comme un World America Team Police sans gag.
Inscription à :
Articles (Atom)